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Moral en berne chez les fabricants d’engrais

La 18e édition des Rencontres internationales de l'Afcome a rassemblé près de 350 personnes à Lille (Nord), jeudi 7 et vendredi 8 novembre.

Ambiance morose aux 18es Rencontres internationales de l’Afcome, où distributeurs, mélangeurs et fabricants d’engrais étaient réunis à Lille, jeudi 7 et vendredi 8 novembre.

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« On ne vend plus une tonne depuis trois semaines », se désolaient dans les couloirs du Grand Palais de Lille (Nord), jeudi 6 et vendredi 8 novembre, la plupart des fabricants d’engrais, aux 18es Rencontres internationales de l’Afcome (Association française de commercialisation et de mélange d’engrais). La dynamique n’était déjà pas très engageante depuis la récolte d’été, mais désormais, c’est « le néant ».

Plus rien ne se vend en P et K, « on est en retard dans les commandes » en azote, et le contexte est également particulièrement difficile en organiques où certains évoquent une baisse de volumes autour de 30 à 40 %.

Les livraisons d’engrais, du moins celles de P et de K, avaient pourtant nettement rebondi lors de la campagne précédente et la morte-saison 2024 avait été plutôt dynamique en azote.

Un attentisme généralisé

Mais la moisson d’été catastrophique, les incertitudes sur celle d’automne, les semis de céréales qui patinent et la crise viticole ont plongé les agriculteurs et les distributeurs dans l’attentisme. Les trésoreries à sec ne sont pas propices aux engagements et « les distributeurs ont de l’argent dehors », glisse un fabricant voulant dire que les agriculteurs tardent à payer les distributeurs, en allant au bout des délais de paiement autorisés. « Heureusement qu’on a une activité dans d’autres pays, comme l’Espagne », souffle un autre.

« Après, en engrais, il y a toujours eu des cycles », nuance un troisième. Et on peut retrouver une vague d’achats en début d’année prochaine. Mais difficile de voir le ciel se dégager d’ici la mi-janvier. D’autant que certains distributeurs vont allonger leur trêve des confiseurs pour faire des économies.

Des entreprises qui serrent les boulons

Cette situation intervient alors que les fabricants d’engrais sont eux-mêmes fragilisés et les usines tournent forcément au ralenti. « On entend dire qu’il y a des commerciaux en chômage partiel », signale un producteur d’engrais. Le tout sur fond de polémique autour des importations grandissantes de phosphate russe. De son côté, Fertiberia en réorganisation, vient de voir le départ de son DG France, Jean-Luc Pradal, début novembre.

Après la fermeture du site Timac de Tonnay-Boutonne (Charente-Maritime), l’an dernier, Yara a également annoncé mi-octobre son intention d’arrêter l’activité de production d’ammoniac (400 000 t) dans son usine belge de Tertre, où 125 salariés seraient licenciés. Habituellement, Yara France s’appuie sur cette usine produisant 950 000 t d’engrais par an et spécialisée dans les ammonitrates bas dosages soufrés (CANS) pour couvrir 20 à 25 % de ses volumes vendus dans l’Hexagone. Une fois la transformation opérée, Tertre produirait 600 000 t d’engrais azotés premium et 250 000 t de produits industriels à haute valeur ajoutée. En parallèle, la pression des associations et collectifs locaux sur le site de l’entreprise norvégienne à Montoir (Loire-Atlantique) ne cesse pas.

Louis Bodin en guest-star

Ce contexte n’a pas empêché les congressistes d’affluer, au contraire. Pour cette 18e édition, l’Afcome a accueilli près de 350 participants. « Il y a du monde », souligne un spécialiste des engrais de mélange. « C’est signe que les entreprises sont dans l’incertitude. »

Et pour alimenter les réflexions des uns et des autres, l’association avait concocté un programme en deux temps : une session réglementaire et économique le vendredi, et une grande journée la veille consacrée à la gestion de l’eau et aux sujets d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, avec l’ingénieur-météorologue Louis Bodin en guest-star. Ce dernier est venu faire l’éloge des réserves d’eau et a insisté sur le distinguo à faire entre météo et climat, avec un conseil : « En matière de météorologie, ne vous fiez pas à votre mémoire personnelle, elle est totalement défaillante. »

De gauche à droite, Ralph Beckers (Elicit Plant), Olivier Descroizette (BeApi), Sébastien Windsor (Chambres d'agriculture France), Laurent Pasquier (Cavac), Alexis Portheault (Afcome) et Louis Bodin (ingénieur météorologiste). (© R. FOURREAUX)

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